Normes matricielles et normes subordonnées
1. Rappels sur les normes
Soit \(E\) un espace vectoriel. On dit qu’une application \(\|\cdot\|: E \rightarrow \mathbb{R}\) est une norme sur \(E\) si elle vérifie :
- caractère défini
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\(\forall x \in E,\|x\|=0 \Leftrightarrow x=0\).
- homogénéité
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\(\forall x \in E\) et \(\lambda \in \mathbb{K},\|\lambda x\|=|\lambda|\|x\|\).
- inégalité triangulaire
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\(\forall x, y \in E,\|x+y\| \leq\|x\|+\|y\|\).
- positivité
-
\(\forall x \in E,\|x\| \geq 0\).
On dit que \(\left(E,\|\cdot\|_E\right)\) est un espace vectoriel normé.
On rappelle quelques normes usuelles sur \(\mathbb{K}^n\). Soit \(V=\left(v_j\right)_{1 \leq j \leq n} \in \mathbb{K}^n\), alors
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\(\|V\|_{\infty}=\max _{1 \leq j \leq n}\left|v_j\right|\)
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\(\|V\|_1=\sum_{j=1}^n\left|v_j\right|\)
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\(\|V\|_2=\sqrt{\sum_{j=1}^n\left|v_j\right|^2}\)
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\(\|V\|_p=\left(\sum_{j=1}^n\left|v_j\right|^p\right)^{\frac{1}{p}}, \quad\) avec \(p \in \mathbb{N}^*\).
En notant \(<\cdot, \cdot>\) le produit scalaire de \(\mathbb{K}^n\), on a \(\|V\|_2^2=<V, V>\).
2. Normes matricielles
On dit que l’application \(\|\cdot\|: \mathcal{M}_n(\mathbb{K}) \rightarrow \mathbb{R}\) est une norme matricielle si :
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c’est une norme sur \(\mathcal{M}_n(\mathbb{K})\)
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\(\forall A, B \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K}),\|A B\| \leq\|A\|\|B\|\) (on dit qu’elle est sous multiplicative).
Si \(\|\cdot\|\) est une norme matricielle sur \(\mathcal{M}_n(\mathbb{K})\), alors \(\left\|I_n\right\| \geq 1\).
3. Normes matricielles subordonnées
Les normes matricielles subordonnées seront aussi appelées des normes matricielles induites. |
Si \(\|\cdot\|\) est une norme sur \(\mathbb{K}^n\), la norme matricielle subordonnée sur \(\mathcal{M}_n(\mathbb{K})\), notée \(\vertiii{\cdot}\), est définie par
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On l’appelle norme matricielle subordonnée ou associée à la norme vectorielle \(\|\cdot\|\).
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On l’appelle aussi parfois norme matricielle naturelle, ou encore norme matricielle induite par la norme vectorielle \(\|\cdot\|\).
L’existence de ce sup est assurée par le théorème suivant:
Soient \(\left(E,\|\cdot\|_E\right)\) et \(\left(F,\|\cdot\|_F\right)\), deux espaces vectoriels normés. Pour toute application linéaire \(\mathcal{L}:\left(E,\|\cdot\|_E\right) \rightarrow\left(F,\|\cdot\|_F\right)\), on a équivalence entre :
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il existe un point de \(E\) en lequel \(\mathcal{L}\) est continue,
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\(\mathcal{L}\) est lipschitzienne sur \(E\) (et donc continue partout)
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il existe \(C>0\) tel que \(\forall x \in E,\|\mathcal{L} x\|_F \leq C\|x\|_E\).
Comme l’application linéaire \(x \mapsto A x\) est continue (en 0 par exemple), le sup de la norme subordonnée existe bien.
Soit \(A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})\) on a
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Si \(\vertiii{\cdot}\) est une norme matricielle subordonnée, alors \(\vertiii{I_n}=1\).
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Il existe \(x \in \mathbb{K}^n\) tel que \(\|x\|=1\) et \(\|A x\|=\vertiii{A}\).
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Soit \(\lambda \in S p(A)\), alors \(|\lambda| \leq\vertiii{A}\).
Les sup précédents sont donc des max (ils sont atteints).
Soit \(A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})\), on peut définir les normes subordonnées aux normes classiques \(\|\cdot\|_{\infty}\), \(\|\cdot\|_1,\|\cdot\|_2\) définies plus haut.
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\(\vertiii{A}_{\infty}=\max _{1 \leq i \leq n}\left(\sum_{j=1}^n\left|A_{i j}\right|\right)\)
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\(\vertiii{A}_1=\max _{1 \leq j \leq n}\left(\sum_{i=1}^n\left|A_{i j}\right|\right)=\vertiii{A^*}_{\infty}\)
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\(\vertiii{A}_2=\sqrt{\rho\left(A^* A\right)}=\sqrt{\rho\left(A A^*\right)}=\vertiii{A^*}_2\)
Soit \(\vertiii{\cdot}\) une norme matricielle subordonnée et soit \(B \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})\),
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Si \(\vertiii{B}<1\), alors \(\left(I_n+B\right)\) est inversible et \(\vertiii{\left(I_n+B\right)^{-1}} \leq \frac{1}{1-\vertiii{B}}\).
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Si une matrice de la forme \(I_n+B\) est singulière alors \(\vertiii{B} \geq 1\).
4. Rayon spectral
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La norme \(\vertiii{\cdot}_2\) est invariante par transformation unitaire, c’est-à-dire que pour tout \(U \in \mathcal{U}_n(\mathbb{C})\) et pour tout \(A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{C})\), on a
\[\vertiii{A}_2=\vertiii{A U}_2=\vertiii{U A}_2=\vertiii{U^* A U}_2.\] -
Si \(A\) est normale, alors \(\rho(A)=\vertiii{A}_2\).
Soit \(A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})\)
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Soit \(\|\cdot\|\) une norme matricielle (pas forcément subordonnée) alors \(\rho(A) \leq\|A\|\).
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Etant donnés \(A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})\) et \(\varepsilon>0\), il existe au moins une norme matricielle subordonnée notée \(\vertiii{\cdot}_{\varepsilon, A}\) telle que
\[\vertiii{A}_{\varepsilon, A} \leq \rho(A)+\varepsilon .\]
Soit \(B\) une matrice carrée, alors les conditions suivantes sont équivalentes :
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\(\lim _{k \rightarrow+\infty} B^k=0\)
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\(\lim _{k \rightarrow+\infty} B^k x=0\), pour tout \(x \in \mathbb{K}^n\)
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\(\rho(B)<1\)
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\(\vertiii{B}<1\) pour au moins une norme matricielle subordonnée.
Pour \(A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})\), on a \(\rho(A)=\lim _{k \rightarrow+\infty}\left\|A^k\right\|^{\frac{1}{k}}\) (cette limite ne dépend pas de la norme choisie).